Au cours des années soixante où j’étais adolescente, je jouais beaucoup de piano, deux heures par jour après l’école, beau temps mauvais temps… Parfois, j’aurais aimé sortir de l’école en même temps que les autres pour aller dehors, mais je ne pouvais pas m’imaginer ne pas jouer de piano. Ma mère en jouait. Mon grand-père en jouait. Et puis, j’avais un bon professeur. C’était une femme passionnée et exigeante. Elle s’appelait Marie-Paul. Sur le plan personnel, je ne savais presque rien de cette femme, sauf qu’elle avait une jeune sœur, Marie-Thérèse, qui enseignait aussi le piano, et que ces deux sœurs étaient des religieuses.
D’où venaient-elles?
Pourtant, Marie-Paul a compté pour moi. D’abord, elle m’aimait bien, même si j’étais un peu délinquante. Ou peut-être même parce que j’étais délinquante ! Ensuite, elle avait le tour de me proposer des pièces qui me convenaient. Et une des choses qu’elle m’a permis de découvrir, c’est que le piano n’est pas seulement un instrument fait pour chanter, c’est aussi un instrument fait pour taper, un instrument de percussion.
Après avoir fini mon secondaire, je n’ai revu qu’une seule fois ce professeur, longtemps après mon départ de l’école. C’était l’année où je déménageais à Montréal. Quand je l’ai croisée, elle m’a invitée à venir la voir, elle aussi s’était installée dans la métropole, mais… j’ai perdu ses coordonnées. De temps en temps, je pensais à elle en regrettant de ne jamais avoir donné suite à son invitation et de ne jamais lui avoir posé plus de questions sur son parcours. Je me disais qu’elle devait être morte et que je ne la reverrais sans doute jamais.
Puis, cette année, en naviguant sur Internet, dans le site de l’école où enseigne une amie musicienne, quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir, parmi ses collègues, une dame, plus âgée que les autres. C’était une religieuse et elle s’appelait Marie-Thérèse ! Mon cœur s’est arrêté de battre. C’était la petite sœur de l’autre…
Et elle était ici, dans la même ville que moi, vivante. J’allais pouvoir lui écrire et même lui parler ! J’allais pouvoir la rencontrer, et lui demander où était Marie-Paul et, surtout, qui elle était ?
***
J’ai rencontré Marie-Thérèse. Comme je m’y attendais, elle m’a appris que Marie-Paul était décédée. J’ai su qu’elle avait été était l’aînée d’une famille de sept enfants. Le père était organiste et la mère, follement amoureuse de musique. Marie-Paul avait étudié avec un grand musicien qui s’appelait Henri Gagnon, un maître d’une autre époque. Pianiste, organiste et compositeur, il croyait que Marie-Paul avait l’étoffe d’une musicienne de carrière, d’une pianiste de concert. Il voulait la présenter dans un grand concours international, dont le prix consistait à étudier deux ans à Paris. Ce concours ouvrait les portes de l’Europe et, cette année-là, Henri Gagnon, connaissant les concurrents, était convaincu que Marie-Paul emporterait le prix.
Cependant, la mère de Marie-Paul n’a jamais voulu la voir partir. Imaginez… une jeune fille toute seule pendant deux ans à Paris, dans les années trente.
Alors Marie-Paul est restée ici. Elle a renoncé à la scène et, pour vivre sa vie d’artiste, elle est rentrée chez les sœurs… Il paraît qu’elle a été heureuse de partager sa flamme en enseignant.
Après ma rencontre avec Marie-Thérèse, j’ai ressorti de mes étagères un grand cahier jauni qui contenait une pièce que j’avais apprise avec Marie-Paul quand j’avais quinze ans… J’avais adoré jouer ce morceau, qui me permettait d’exprimer ouvertement un certain sentiment de révolte qui était le mien à cette époque et qui, peut-être, avait aussi habité Marie-Paul.
Cette pièce, c’est l’œuvre d’un compositeur français qui s’appelle Pierre Sancan. Une Toccate, c’est-à-dire une pièce qui met en valeur le toucher des doigts sur le clavier. Et comme toutes les toccates, c’est une pièce brillante et virtuose. Cependant, pour moi c’est beaucoup plus que ça. C’est la découverte d’une musique
Allô,
Je suis tombée sur ton écrit par hazard en cherchant i go sur Marie-Paul Guay
piano. J’ai très bien connu sœur Marie-Paul Guay
J ai étudie avec elle tout le long de mon école primaire et secondaire. au collège Notre Dame de Bellevue à Québec.
Donc près de 10 ans.
Que je l ai aimée!!!!
Que j ai apprit beaucoup avec elle!!!
J’ai gardé tout mes livre de musique /de solfège et de dictée musicale. ainsi que
des diplômes. J ai beaucoup de ses écrits/petites notes dans mes cahiers de musique
elle avait une très belle écriture!!!!
Que de bons souvenirs de l’aile de musique du Collège de Bellevue.
Je suis
Lucie Caron maintenant Savage
Élève de Soeur MP Guay, Années fin années 6o et années 70
J’ai négligé mon site depuis un bon moment et je découvre aujourd’hui ton message qui me fait drôlement plaisir! Je me souviens que Marie-Paul Guay était crainte de bien des élèves, mais pas de celles qu’elle aimait. Ce fut mon cas. Elle a beaucoup compté pour moi. J’étais rebelle, mais pas en musique. Je lui faisais confiance, car elle savait de quoi elle parlait. Merci de m’avoir écrit ce témoignage! Monique
Mes 2 tantes, ca m’a fait chaud au coeur de lire votre article
Et oui Marie- Paul aurait pu faire une carriere internationale mais sa mere qui était autoritaire n’a pas voulu…..
Des grandes musiciennes – Marie Thérese vit toujours , elle a 92 ans
Je prends des cours de piano et je chante -)
Au plaisir d’avoir de vos nouvelles si vous avez ce message
Odette
Bonjour Odette, quel plaisir de découvrir votre mot, ce matin! J’ai négligé mon site depuis des mois, alors j’ai passé tout droit, mais aujourd’hui je sursaute en lisant votre message. Marie-Paul Guay a compté beaucoup pour moi, bien des élèves la craignaient, mais pas celles qu’elle aimait, ce qui était mon cas. Elle a choisi pour moi des pièces qui me convenaient bien, elle me comprenait, ce qui était rare à l’époque. J’étais plutôt rebelle, mais pas en musique, pas avec elle. Et je suis contente d’apprendre que Marie-Thérèse vit toujours! Au plaisir. Monique.